Entretenir le bois

Malgré les soins de la fabrication, le bois travaille. Il gonfle avec l'humidité, sèche avec la chaleur. Des nœuds ou fissures s'ouvrent de façon imperceptible. Un dépôt se forme sur la surface des perces.


Quelles conséquences ?

Le bois change de forme, aussi les perces ne donnent plus les même notes.

Les fissures créent des appels ou des fuites qui nuisent à la vibration des anches. Il est assez courant de ne pouvoir pas jouer du tout un instrument à cause de telles fuites. Une perce lisse est déterminante pour l'éclat et la justesse du timbre. Ces aléas ne sont pas négligeables : Les instruments de musée sont si racornis que certains ont perdu 10% de leur longueur depuis les années 1970.

Comment traiter le bois ?

Nombre de bohaires n'entretiennent pas leur cornemuse, laissant ce travail au fabricant, à qui il la ramène régulièrement. Tout le monde n'a pas cette opportunité, et c'est heureux, car nos luthiers passeraient leur vie à réaliser des entretiens de routine. Commencez par demander l'avis de votre fabricant. Même si ce traitement convient a priori à toutes les bohas, chaque luthier a ses préconisations.

Préparez-vous.

Prévoyez plusieurs jours sans pouvoir utiliser l'instrument. Séparez les parties les unes des autres. Rangez les anches à l'abri et au sec, elles ne supporteraient pas d'être graissées. Profitez-en pour vérifier qu'aucune intervention n'est nécessaire sur l’étanchéité du bouchon, ou sur la filasse des souches des anches.
Rangez la poche au loin et préparez-la pour l'entretien expliqué plus bas.

Inspectez chaque partie : bohet, pihet, brunidèir. Enlevez les filasses détériorées. C'est le meilleur moment pour les refaire, mais ce n'est pas obligatoire.

Vérifiez qu'aucune réparation n'est nécessaire. Il peut s'agir de nœuds, de décorations qui deviennent lâches et pourraient créer des fuites. Colmatez, solidarisez, à l'aide de votre colle préférée, selon le protocole du fabricant, il va de soi. Dans l'absence d'indication, utilisez un matériaux réversible : cire d'abeille, colle à chaud, scotch… La colle cyanoacrylate semble définitive, elle ne résiste en fait que quelques années. La colle à bois, par contre, peut être réellement durable.

Mets de l'huile !

Pour réaliser ce traitement courant, vous pouvez utiliser diverses huiles. Il est conseillé de conserver toujours la même. Huile de pied de bœuf, huile de lin*, d'amande douce. L'important est d'utiliser une huile non irritante et dont vous supportez l'odeur.

La corne et le bois peuvent réagir différemment. Le fabricant vous indiquera le produit compatible.

Nettoyez l'intérieur des perces avec l'huile et un écouvillon doux. Ne faites pas de rayures ! Est-il nécessaire de le dire ?
Nettoyez toutes les surfaces en appliquant généreusement le produit. Passez rapidement sur les filasses, qui pourraient s'imbiber inutilement. Essuyez et faites briller afin d'enlever les salissures. Les décorations en alliage métallique peuvent être éclaircies au jus de citron au préalable. L'huile devrait de toute façon relever leur éclat.
Recommencez autant que nécessaire ces opérations. Dans les cas de sècheresse extrême, il est possible de laisser les bois immergés durant plusieurs jours. Retirez les filasses au préalable, elles seront à refaire.

Séchage

Ces opérations s’effectuent de préférence par temps chaud afin que le séchage soit rapide. De la mesure dans toute chose : ne laissez votre boha en plein soleil quand même !

Essuyez régulièrement (perces comprises), vous constaterez que l'huile imprègne le bois assez vite. Cela peut prendre quelques heures à quelques jours selon les matériaux.

Test

Remontez le biniou. Il est possible que des emmanchements soient à refaire, à cause de la dilatation. Ne forcez pas… Une fois remontée, les mains propres de toute trace d'huile, remontez les anches.
Si vous avez bien travaillé, vous devriez avoir une chouette surprise : un instrument qui sonne comme neuf.

(*) L'huile de lin est parfois déconseillée, (comme dans notre ouvrage "La méthode") celle-ci laissant parfois un résidu collant. Des essais sur des parties secondaires, ou le conseil de votre luthier pourrons vous renseigner.



Étanchéité

La boha doit rester étanche afin de contrôler précisément la pression. C'est un facteur essentiel qui reste souvent négligé.
Les souches doivent coulisser sans laisser passer d'air.


Pourquoi ?

Il est capital de maîtriser le volume et la pression envoyée sur les anches, avec aisance et confort. La moindre fuite d'air fatigue le bohaire et provoque des grincements.

La première précaution est de jouer régulièrement de sa boha, les peaux se détériorent vite en séchant.

Éviter de les laisser moisir, détrempées, dans une caisse fermée.

Diagnostic

Vous ne parvenez pas à jouer plusieurs fois mélodie sans soufflez dans le bohet ? Obturez la souche principale, gonflez la poche. Posez-la sur une table : elle doit rester gonflée sans signe de faiblesse.

Dans les meilleurs des cas, la poche devient lâche au bout de quelques minutes, mais conserve sa forme. Si la poche se vide en moins de 2 minutes, Il est temps d'intervenir !

Identifier le problème

Les fuites peuvent venir des souches, de la liaison avec le postarèl ou de la ligature qui le remplace, d'un trou dans la poche.

Il est possible de détecter les filets d'air en écoutant, en passant la poche gonflée près de son visage, de sa bouche, très sensible au déplacements d'air. Vous pouvez éventuellement introduire de la fumée et chercher à "voir" les fuites.

Si vous détectez de tels accidents, refaites les liaisons de vos souches, collez les trous.

Avant d'intervenir, demandez conseil auprès du fabricant de votre instrument !

On constate très souvent des fuites au niveau de la valve anti-retour, sur le bohet.

Il est possible d'en changer, voyez ce que préconise votre luthier. De nombreux guides dans le bulletin de l'association ou dans notre méthode décrivent comment fabriquer cette pièce "consommable".

Les filasses

Les ligatures, ou "filasses", assurent le maintien et l’étanchéité entre les parties de l’instrument. Elles doivent être homogènes et régulières, permettre le démontage et maintenir la cohésion de l’ensemble.
Si le pihet se détache facilement, il pourrait se briser en tombant. S’il est coincé, la souche pourrait se fendre. Si le joint n’est pas régulier, l’étanchéité n’est pas assurée.

Un instrument joué régulièrement se dérègle moins vite. Démonté rarement, ses ligatures durent plus longtemps. Mais l’humidité soumet le porte-vent à rude épreuve. Les moisissures s’y installent volontiers. Aussi, cette liaison doit être vérifiée régulièrement, nettoyée avec un chiffon et la ligature entretenue.

La ligature est réalisée en enroulant régulièrement du fil autour de la partie mâle d’une liaison, formant un joint ajusté. Il existe diverses techniques et vous inventerez peut-être la vôtre. Mais le résultat doit être serré, régulier et cylindrique.

Vérifiez l’étanchéité après avoir joué, lorsque les éléments sont humides. Ne posez jamais du fil “à sec”, les ligatures se dilatent et pourraient faire éclater le bois.

 

Si votre liaison est trop lâche : Démontez l’embout, installez-vous confortablement, sans risque de le laisser choir. Enlevez l’éventuel ruban de Teflon qui enrobe la ligature. Si le joint est propre et forme un cylindre régulier, enroulez 30 à 50 cm de fil en spirale sur toute la longueur de la zone de ligature.
Si le joint est irrégulier, que du fil s’en détache, refaites la ligature complètement. Retirez le vieux joint et nettoyez la liaison. Enroulez du fil en formant des boucles serrées, que vous tassez au fur et à mesure. Revenez en arrière pour enrouler plusieurs couches.
Ne croisez pas le fil. Lorsque l’épaisseur suffit à bloquer l’embout dans la souche, faites un nœud. Rajoutez un tour de téflon, ou de la cire d'abeille pour faciliter l'assemblage.

Ci-dessous, un guide en image pour attraper le coup de main. Il est également possible de faire installer des joints en liège.

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Ligatures ou filasses. Extrait bulletin Boha!26
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Traitement
de la poche

Si les fuites persistent malgré les interventions préliminaires (souches, ligatures, valve, trous), il est nécessaire de traiter la poche avec un produit adapté.

Demandez d'abord conseil auprès de votre luthier : pour identifier le type de poche (matériaux, assemblage) et pour connaître le traitement préconisé. Il se peut que le fabricant vous déconseille tout traitement. Dans ce cas, voyez avec lui pour refaire l’étanchéité.

Et si, finalement, il n'a pas le temps de s'y mettre, voici quelques recettes :

Peau non cousue

Les bohas du COMDT ont été majoritairement équipées de peaux retournées de chèvres, poil rasé à l'intérieur, traitées d'une façon particulière. Les meilleurs cuirs ne nécessitent qu'un peu d'huile de pied de bœuf passé légèrement au pinceau côté chair, et à l'aide d'un chiffon imbibé côté poil. Un séchage de quelques jours à l'air est ensuite nécessaire.

Les peaux les plus fragiles, qui fuient de façon manifeste, exigent des traitements réguliers, la "recette gasconne" décrite plus bas s'avérant sans doute la mieux adaptée.

Cuir de sellerie

Les bohas de Robert Matta notamment sont conçues ainsi. Le brillant du cuir, côté poil, est à l'intérieur, le côté chair à l'extérieur.

Les coutures sont souvent doublées d'une bande de cuir fin collée.

Sauf contre-indication de votre luthier, toutes les recettes peuvent être tentées sur ces cuirs. Certains fonctionnent mieux en entretien régulier, d'autres en réparation.

Poches synthétiques

Certaines bohas CsS et Neofactlandes (Cozian et Saintorens), ainsi qu'une partie de la production de Pascal Petitprez sont équipées de poches en gore-tex et autres matériaux synthétiques. Ces poches ne nécessitent pas de tels entretiens, qui pourraient même leur nuire ! Celles qui sont équipées de fermetures peuvent être aisément aérées et nettoyées, voire équipées de filtre à condensation.



Recette Gasconne

Pas de foie gras dans cette recette, mais elle est en usage en Gascogne depuis les premières reconstitutions et reste proche des pratiques anciennes sur d'autres cornemuses.

Ingrédients :

- Colle a chaud en granulé d’os ou de peau > le collant
- Miel fluide > le désodorisant
- Glycérine > le fluidifiant
- Acide salicylique > le conservateur

(ou Benzoate de sodium)

préparation

Diluer en chauffant 10mn au bain marie une cuillère a soupe de colle et 60ml d’eau.
Mélanger la colle + 60ml de glycérine + 120ml de miel + une pincée d’acide salicylique.

Remuez jusqu'à consistance crémeuse.

L'odeur est désagréable.

Plusieurs variantes existent, avec ou sans miel, avec de la colle synthétique ou animal.
Elles donnent des résultats similaires.
Les anches ne doivent jamais être en contact avec le traitement.

Efficace en réparation et entretien.

Produits du commerce

Parmi les diverses mixtures commercialisées, nous avons testé la recette écossaise Airtight” R.G. Hardie & Co (puissant mais nauséabond), le Canadien Seal seal (pas mal, mais cher), et le "pipe bag seasoning" de mgreeds. Ce dernier s'avère le meilleur des 3 produits, sinon par son efficacité, au moins pour son innocuité : odeur discrète, facile à appliquer, antibactérien. Le "mgreeds" est fluide, aussi fait-il apparaître des tâches sombres autour des éventuelles fuites, ce qui aide à repérer les zones à réparer. Elles s'estompent en séchant. Efficace en entretien régulier.

Régularité

"Entretenir régulièrement mais pas trop souvent" : à vous de tester cet adage par l'expérience. L’étanchéification détend le cuir et ses coutures. Aussi faut-il traiter avec mesure, car une poche trop souple est tout aussi inconfortable.

Application

Quelle que soit la recette, l'application est similaire.

Préparez un bouchon pour chaque souche.

Obturer la souche du bohet. Protéger les parties auxquelles la colle pourrait nuire.
Vous pouvez envelopper la poche dans un sac plastique en laissant les souches dépasser. Fermer avec un élastique.
Versez un quart de verre de la mixture dans la poche. Prudence ! On peut facilement en mettre davantage, mais Il est plus compliqué d'en enlever. Fermez la souche hautbois. Frottez, massez soigneusement le sac avec la mixture avec une attention particulière pour les ligatures, les coutures et les réparations éventuelles. Gonflez doucement le sac, afin d’éviter que les bords soient en contact.
Si vous en avez trop mis, placez des chiffons non pelucheux dans la poche et frottez pour les imprégner et enlever l'excédent. Nettoyer soigneusement l'intérieur des souches !

Laisser sécher 24 heures au moins. L'enduit restant peut être gardé dans un récipient fermé, dans un endroit frais et utilisé de nouveau après un court bain-marie. L'intérieur du sac est collant pendant deux semaines, mais ne devrait pas adhérer complètement.

Bactéries

Vous connaissez l'histoire de ce sonneur écossais, décédé des suites d'une infection pulmonaire cultivée dans la poche de sa cornemuse ?… Maintenant, oui.
Les bactéries n'aiment pas le cuivre.
Collez une pièce de ce métal à l'intérieur, sur le dos du postarèl, ou placez un bout au fond du tube qui sert de filtre à condensation, selon l'équipement de votre boha. Cela limitera la prolifération bactérienne, ainsi que les odeurs désagréables. (Odeur = bactéries…)

 

Et dans tous les cas… Pensez à changer de poche de temps en temps, c'est un consommable !

Bibliographie

Retrouvez quelques guides dans notre bulletin de liaison, ainsi que dans le chapitre entretien de notre Méthode de boha