Généralités organologiques

Des noms incomplets

Au cours des collectages, il n'a pas été toujours possible de déterminer clairement le nom gascon de chaque partie de l'instrument. Des habitudes ont été prises, mais certains termes ne conviennent pas pour décrire l'instrument. Les relectures des sources proposent de nouvelles approches. > Terminologie,

Sur cette page sont indiqués les termes communément employés.

 

> Évolutions

 


Poche

Le sac, ou poche, et les souches sur lesquelles se montent les autres parties de la boha

sac et souches boha

Actuellement, les poches sont en cuir de sellerie cousu et collé, ou en matériaux synthétiques.

Autrefois : en peau d'agneau ou plus souvent de chèvre, retournée avec les poils à l'intérieur. On pelait la bête comme un lapin pour ne pas avoir à coudre et on fermait les trous avec de la ficelle frottée d'ail. La poche n'est jamais recouverte d'un tissu comme pour les autres cornemuses (à une exception). Les poches ont une capacité de 8 à 15 litres.

Bohet

Le bohet, porte-vent ou embouchure, terminé par un clapet anti-retour

Bohet embouchure porte-vent de boha

Tuyau de bois troué sur toute sa longueur fabriqué en deux parties s'emmanchant. La première partie commence par une embouchure de corne, ou matériaux synthétique. Elle se termine par une valve pour empêcher l'air de ressortir.  L'autre partie du bohet, la souche, est solidaire de la poche. La perce est souvent doublée d'un tuyau cuivre ou alu.

"Pihet"

mot gascon utilisé pour l'ensemble sonore.

pihet 5 trous COMDT boha

La pièce de bois enferme deux tuyaux de jeu. Elle a la forme d'un parallélépipède ou de deux tubes accolés.

> anches

Anches de boha

Une page est consacré à cet "instrument dans l'instrument".

"Rallonge du Brunidèir"

rallonge du brunidéir boha

Cette pièce permet de régler les 2 notes disponibles lorsqu'on bouche le trou du TSM. Une chainette attache cette partie à la principale afin de ne pas l'égarer.

Le terme brunidèir signifie "bourdon".

TM

Le tuyau mélodique

Sa perce est cylindrique, constante ou étagée. Il est troué au moins de 5 ou 6 trous de jeu sur le dessus, un sur le dessous, et d'une fente (ou trou) supplémentaire qui fait entendre la sous-tonique avec le petit doigt (un demi-ton en dessous de la note de référence de la gamme. Par exemple pour une gamme de Do Majeur, la sous-tonique obtenue sera Si.).

La boha a une tessiture d'une octave
(8 notes qui se suivent) + la sous-tonique.
Les boha-au-sac retrouvées jouaient probablement une septième
(7 notes qui se suivent).
On achevait d'accorder en occultant plus ou moins les trous avec la cire d'abeille.

TSM

Le tuyau semi-melodique

Le trou de jeu fait entendre alternativement deux notes d'accompagnement (parmi un choix de trois ). Par exemple en jouant avec une boha en Do, on sonne Do ou Sol plus grave en bouchant le trou bourdon. La rallonge (brunidèir) offre la possibilité d'avoir deux autres notes pour s'accompagner en modes mineurs. Par exemple avec une boha en Do, on jouera en Ré mineur (dorien) et on pourra accompagner avec un bourdon en Do ou La.



Évolutions

Il n'existe pas deux instruments parfaitement identiques,

mais on peut distinguer les bohas en activité dans quatre catégories.

1-Bohas "revival" "5 trous"  :

Imaginées en s'inspirant des Boha-au-sac des musées, elles reprennent leurs décorations, leurs dimensions, les matériaux - en particulier les anches en roseau monobloc.

Boha 5 trous "revival" Bernard Desblancs
Boha 5 trous "revival" Bernard Desblancs

 

Les premiers modèles visaient à sonner dans les tessitures aigues (écoutez Jeanty Benquet), mais les exigences du jeu en groupe conduisirent rapidement à concevoir des bohas sonnant en La et en Sol tempérés.

On s'aperçut qu'il était possible de jouer sans la rallonge du brunidèir, en mode mineur et d'obtenir sur la mélodie une note supplémentaire grave (sous-tonique) en bouchant le trou d'accord. La chaine reliant les deux pièces suggère d'ailleurs un jeu sans la rallonge. Ces techniques, qui servent merveilleusement le répertoire, faisaient-elles partie des usages de nos prédécesseurs ? Rien ne le prouve.

Position des doigts sur boha revivaliste 5 trous
Position "revivaliste" - Extraits de "Méthode de Boha - BdG - 2011"

 

La tenue de l'instrument évolua : l'annulaire droit restant libre, l'auriculaire gauche occultant le trou de "bourdon".

Les anciens, d'après les images connues, pilotaient le "bourdon" avec l’annulaire gauche, plus agile que l'auriculaire. Trois doigts en haut, trois doigts en bas.

position des doigts sur bohaussac
Position "ancienne" - Extraits de "Méthode de Boha - BdG - 2011"

Si ces bohas "revivalistes" s'éloignaient de leurs modèles, elles conservaient toutefois 5 "grands" trous dessus + un dessous pour la mélodie.

"Boha à 5 trous" suggère l'archaïsme, 5 offrant forcément moins que 6. Pourtant la tessiture est égale à celles d'autres bohas. Il est même possible d'obtenir des notes ou sonorités spécifiques à une "5 trous". De plus, les doigtés ouvert et fermé sont possibles.



2-Bohas "à 6 trous" :

Les "grands" trous permettait d'ajuster en occultant les trous avec de la cire. Mais la nécessité d'un réglage perpétuel n'était pas confortable. La tonique aigüe étant particulièrement délicate à obtenir.

Alain Cadeillan et d'autres fabricants commencèrent à proposer autour de 1990 une nouvelle disposition aux réglages plus prévisibles : Fa# sous l'index gauche, tonique haute sous le pouce gauche, sous-tonique sous l'auriculaire droit (en tonalité de Sol). La "boha à 6 trous" était née. La tonique aiguë était plus juste, mais les doigtés en fourche de la 5 trous (Fa / Fa#) disparurent et la sous-tonique devint plus difficile à atteindre.

Boha 6 trous Robert Matta
Exemple de boha "à 6 trous" R. Matta

La forme des trous mériterait un développement conséquent. Retenons que les fabricants ont opté pour des combinaisons de formes ovales ou de trous cylindriques de diamètres variables.

Le timbre, la puissance, la justesse, le doigté fermé/ouvert, autant de facteurs qui déterminent ces choix.

Position "6 trous" - Extrait méthode de boha BdG 2011
Position "6 trous" - méthode de boha BdG

Dans les évolutions permanentes de la boha, le passage à 6 trous a marqué les bohaires qui accédaient à un nouveau répertoire (et s'éloignaient d'un autre, sans doute). Si les deux dispositions perdurent en 2016, les "6trous" sont prédominantes.



3-Bohas "Kachtoun" :

Il n'existe pas de nom pour désigner cette catégorie, seulement une histoire :

Alain Cadeillan (Kachtoun) à force d'expérimentations, mis au point un instrument en 1987 qui allait garder sa forme définitive et inspirer les demandes des bohaires, (et surtout celles de leurs copains musiciens). Sans être des copies, la plupart des bohas qui apparurent alors répondaient au désir de jouer la musique que l'on voulait, en éradiquant les approximations.

 

La boha "Kachtoun", c'était l'invention d'une boha que l'on conçoit à l'image de la musique que l'on veut aborder.

 

Boha d'Alain Cadeillan 1987
Boha d'Alain Cadeillan 1987

La perce évolua de cylindrique à plusieurs diamètres étagés. Les anches devinrent des assemblages de matériaux composites, (re-découverte, puisque certains boha-au-sac en bénéficiaient déjà.) Des réglages mécaniques sur la rallonge du brunidèir simplifièrent les réglages. Des trous alternativement occultés par des bouchons donnèrent accès à d'autres tonalités. Enfin, Kachtoun ajouta un bourdon de poche réglable, sonnant une octave au dessous de la tonique, détail qui allait attendre 2016 pour être accessible à tout bohaire, soit dit en passant !

D'autres adaptations, innovations et procédés de fabrications originaux, furent développés par les luthiers.

Leur plus remarquable réussite, sans doute, est d'avoir su proposer des instruments abordables, fiables et cohérents avec les attentes artistiques très diverses des musiciens.

Exemples de Bohas CSC
Exemples de Bohas CSC
Exemple de Boha Robert Matta
Exemple de Boha Robert Matta


4- "replica" :

Depuis des années, tous redoutaient de s'être trop éloignés des instruments de musée. La boha à peine ressuscitée allait-elle disparaître encore ?

Répliques  par Jean-Pascal Leriche
Répliques par Jean-Pascal Leriche

Parmi les évènements décisifs de ce "nouveau renouveau", relevons aussi le colloque d'Arthous, la trouvaille et les recherches de Gilbert Dardey, la (re)découvertes de plusieurs boha-au-sac, des écrits et des expériences, dont un point culminant est la publication d'une nouvelle étude complète de tous les anciens instruments connus.

 

L'engouement pour les reconstitutions s'affirma. Quelques modèles apparurent à partir de 2010, notamment grâce à l'accès de certains exemplaires privés et à la meilleure compréhension des conservateurs de musées.

Tout à coup, "ça" sonnait à nouveau ! en Si, en Do, en doigtés anciens. Les gammes délaissées, les timbres pénétrants furent soudainement mieux compris et même accueillis avec soulagement. Cette richesse comble un vide dans l'expression de la tradition que 30 à 40 années de bohas à mode tempéré ont su mettre en évidence.

> À la recherche du son perdu

Réplique de "la Dupin" COMDT
Réplique de "la Dupin" COMDT

Actuellement (2016), une poignée de "replica" sonnent en spectacle et sur album. Ces "nouvelles voix" de la boha s'expriment également dans des créations expérimentales.

Rien à regretter ! Ces années "revivalistes" furent propices à découvrir et maitriser ce qu'on peut attendre de la boha, à créer une expression nouvelle et à promouvoir des interprètes assurés. Leur expertise soutient les développements subtils des répliques d'anciennes bohas.

"La Dardey" et sa réplique COMDT
"La Dardey" et sa réplique COMDT
Réplique de la "Benquet" par Pascal Petitprez  (bohaire Adrien Villeneuve)
Réplique de la "Benquet" par Pascal Petitprez (jouée ici par Adrien Villeneuve)


Et après ? :

La boha ayant tracé son chemin en toute liberté, elle a connue de nombreux métissages qui ont donné naissance à toute une famille d'instruments.

Exploration des registres : les différents modèles de bohas se déclinent dans des tonalités du Do aigu au Sol grave.

Ambitus des bohas en 2016

Les tonalités supplémentaires apportées par les "bouchons" multiplient encore les possibilités.

Bohassa à deux brunidèirs par Robert Matta pour Mickaël Tempette
Bohassa à deux brunidèirs par Robert Matta pour Mickaël Tempette

Chaque instrument étant susceptible de jouer des mélodies à la tierce supérieure de sa tonalité de base (Ré-Sol, Sol-Do, Do-Fa, La-Ré) le jeu avec bohas de différents registres est devenu courant.

Métissages interculturels : l'alboca et ses doubles rythmiques, la samponha et sa double mélodie, la duda et son "trou de puce", les clétages chromatiques des instruments à vent, autant d'expériences fructueuses pour la boha.

Boha 5 trous + trou de puce Xavier de la Torre par Pascal Petitprez
Boha 5 trous + trou de puce Xavier de la Torre par Pascal Petitprez

Bourdonnements infinis : Le "Tuyau semi mélodique" distingue déjà la boha de ses consœurs de l'Ouest européen, car il permet d'alterner 2 notes parmi 3 possibles.

Mais une fois les tonalités alternatives maîtrisées, il fallait les accompagner, aussi certains "brunidèirs" se rallongèrent encore, allant jusqu'à la quarte inférieure (Sol-Do).

Et pourquoi pas ajouter un bourdon grave (un vrai bourdon continu cette fois), et à plusieurs composantes ?

Exemplaire unique pour Yan Cozian : boha munie de réglages, clefs, bouchons de tonalité, rallonge de Do au brunidéir et bourdon de poche à plusieurs tons
Exemplaire unique pour Yan Cozian : boha munie de réglages, clefs, bouchons de tonalité, rallonge de Do au brunidèir et bourdon de poche à plusieurs tons.

Plaisir des yeux : Un instrument de musique accompli se pare de précieuses matières et de décorations évoquant la finesse des performances qu'il peut accomplir. La boha n'y déroge pas.

Exemplaire unique, "la cavèca", par Bernard Desblancs, Jacques Grandchamp pour Bertrand Gautier
Exemplaire unique, "la cavèca", par Bernard Desblancs, Jacques Grandchamp pour Bertrand Gautier


Pour clore ce chapitre, un aperçu de la diversité de la grande famille des bohas, avec quelques instruments un peu particuliers :